Les mythes de Blondin

Démêler les faussetés de sa biographie de 1860

En 1860, juste avant sa première tournée en Angleterre, Blondin publia une biographie promotionnelle. De son lieu de naissance à ses origines familiales et sa formation, de nombreuses affirmations ont été reprises, mais peu résistent à l’examen.

Cette page explore les faussetés et inventions contenues dans ce livret, et les raisons pour lesquelles elles ont été, et restent encore aujourd’hui, largement acceptées.

La biographie promotionnelle de 1860

La biographie fut réalisée sous la supervision de l’impresario de Blondin, Harry Colcord, et imprimée à Buffalo, New York. Elle est datée du 24 octobre 1860 et simplement signée H.C. Bien que le livret compte 47 pages, seulement six sont consacrées à la vie de Blondin.

Plusieurs caisses du livret furent expédiées en Angleterre avant la première tournée de Blondin. Des exemplaires furent largement distribués aux journalistes et au public. L’objectif était clair : fournir une version prête à l’emploi de sa biographie et décourager toute enquête approfondie. Pour ceux qui auraient voulu creuser davantage, les faits avaient été délibérément brouillés.

Page de couverture de la biographie promotionnelle de Blondin, 1860
Page de couverture de la biographie promotionnelle de Blondin (1860)

Une vie cachée

Le livret publié par Blondin en 1860 était moins une célébration de ses origines qu’une diversion soigneusement orchestrée. La plupart des lecteurs ignoraient qu’il avait contracté un second mariage à New York alors qu’il était encore légalement marié en France. Cet acte exposait Blondin et Charlotte à des poursuites judiciaires : bigamie, adultère et parjure aux États-Unis, chacun passible de dix ans de prison ; une possible peine de cinq ans en Angleterre ; et jusqu’à vingt ans de travaux forcés en France.

Lorsque sa première épouse mourut, Blondin épousa Charlotte une seconde fois à Londres, le 29 octobre 1881. Pour éviter le scandale et une cérémonie religieuse, il se déclara faussement veuf, et Charlotte célibataire — commettant ainsi un faux sur un document d’état civil, un acte passible de sept ans de travaux forcés et mettant en péril sa naturalisation britannique. Charlotte risquait elle aussi des poursuites graves pour complicité de bigamie et usage de faux.

Blondin a lui-même cautionné les mythes contenus dans cette biographie promotionnelle, orientant les premiers auteurs loin des archives françaises. Ce n’est qu’après que Jean-Louis Brenac retrouva l’exemplaire original conservé à Paris et le compara aux registres d’état civil que la véritable histoire fut révélée. (En savoir plus sur Jean-Louis Brenac dans sa biographie.)

Quelques mythes et erreurs

  • Mythe: Son nom était Charles Blondin.

    Fait: Il est facile de le croire, car les journaux britanniques des années 1850 et 1860 l’appelaient presque toujours Charles Blondin. En réalité, il est né Jean François Gravelet et n’a jamais utilisé "Charles" dans sa propre publicité ni dans sa correspondance. Le "Charles" fut une invention de la presse anglaise, peut-être pour rendre son nom plus familier aux lecteurs britanniques, et l’habitude est restée au Royaume-Uni. Ailleurs dans le monde, et dans ses propres mots, il était connu simplement sous le nom de Blondin. Continuer à utiliser "Charles" aujourd’hui revient à répéter une inexactitude historique.

  • Mythe: Le livret existe simplement pour enjoliver la jeunesse de Blondin.

    Fait: Il s’agissait d’un écran de fumée délibéré pour cacher un terrible secret : Blondin était bigame, risquant prison et travaux forcés s’il était découvert.

  • Mythe: Blondin est né à Saint-Omer.

    Fait: Il est né à Hesdin, comme le confirme son acte de naissance.

  • Mythe: Son père a combattu à Austerlitz et Wagram en tant que soldat napoléonien.

    Fait: Il était acrobate itinérant entre 1805 et 1809 et seulement peut-être conscrit pour la campagne de Russie en 1812.

  • Mythe: En 1824, son père était un ancien soldat fatigué.

    Fait: La même année, il se produisait encore activement en tant que danseur sur corde.

  • Mythe: Blondin a été formé à la Gymnase de Lyon.

    Fait: Il s’est formé au sein de la troupe familiale, qui le considérait trop précieux pour s’en séparer.

  • Mythe: Il a été orphelin à neuf ans.

    Fait: Il avait treize ans à la mort de son père, et se produisait déjà avec sa famille.

  • Mythe: Il a émigré aux États-Unis en 1855.

    Fait: Il est arrivé en avril 1851 avec Gabriel Ravel.

  • Mythe: Il a joué avec la troupe Ravel pendant trois ans.

    Fait: Il est resté avec eux pendant six ans.

Derrière la Légende

Les faussetés diffusées sous le nom de Blondin ne sont pas simplement le fruit de négligences. Elles faisaient partie d’une tentative délibérée de façonner son image auprès de la presse et du public. Pourtant, la réalité, reconstituée à partir des archives et de l’histoire familiale, n’en est pas moins fascinante.

Ces inventions offrent une fenêtre sur le fonctionnement de la publicité au dix-neuvième siècle et les pressions auxquelles étaient soumis les artistes sous les projecteurs. Pour le récit complet de la vie de Blondin, fondé sur des documents vérifiés et des recherches, voir la page Biographie.

Lectures complémentaires

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