Origines de la famille Gravelet
La famille Gravelet était originaire de Champignolles, un petit village de Normandie.
Pierre Gravelet, grand-père de Blondin (né en 1790), et sa grand-mère, Henriette Regnault, fondèrent une troupe d’acrobates et de funambules avec leurs deux fils, Étienne et André.
Après le décès du grand-père Pierre en 1803, André continua de se produire jusqu’à sa conscription dans l’armée à l’âge de vingt ans, où il prit probablement part à la campagne de Russie et à la bataille de Waterloo.
Mariage et Formation de la troupe familiale
Après sa démobilisation, André reprit sa carrière acrobatique et épousa la meneuse de piste Eulalie Merlet. Ensemble, ils formèrent une troupe de funambules qui parcourut la France et les pays voisins.
André et Eulalie eurent quatre enfants :
- Julie Pauline (née en 1820)
-
Jean-François (né le 28 février 1824 à Hesdin, dans le nord de la France)
- Louis-André (né en 1829)
- Louis (né en 1831)
Les enfants rejoignirent la troupe dès qu’ils purent marcher sur la corde, Pauline et Jean-François se révélant particulièrement doués.
Direction après la mort d’André
À la mort d’André en 1837, Eulalie prit la direction de la troupe avec le soutien de ses enfants. Pauline, l’aînée, épousa Jean-François en 1846 et quitta la troupe, remplacée par Marie Rosalie Blancheri. La troupe s’agrandit pour compter quinze membres, avec Jean-François et Louis-André comme principaux interprètes.
Les numéros des frères Gravelet
Jean-François émerveillait le public avec des numéros tels que l’équilibre d’une chaise à quatre pieds sur une haute corde tandis qu’il était assis dessus, des sauts périlleux au-dessus de la chaise et des bonds par-dessus des bougies enflammées sur une corde basse sans perche d’équilibre. Il démontrait également ses talents musicaux, jouant du violon et des tambours lors de ses acrobaties. Il revendiquait d’être le premier acrobate d’Europe, une affirmation amplement méritée.
Blondin en Amérique
En 1851, à vingt-sept ans, Jean-François Gravelet fut invité par Gabriel Ravel à rejoindre la célèbre troupe française des Ravels en tournée en Amérique. Adoptant le nom de scène "Blondin", il laissa derrière lui son épouse, Marie Rosalie, et leurs trois enfants :
- Aimé Léopold (né le 3 juin 1846 ; décédé le 9 novembre 1852)
- Aimé Jean-Baptiste (né le 1er novembre 1848)
- Émélie (née le 26 septembre 1849)
Un nouveau départ scandaleux
Alors qu’il se produisait au Niblo’s Garden Theatre à New York, Blondin tomba amoureux de la chanteuse de quinze ans Charlotte Lawrence. Ils se marièrent à Boston le 21 août 1852, alors que Blondin était déjà marié en France, commettant ainsi un acte de bigamie. Le mariage fut célébré par le révérend Edward T. Taylor, qui aurait inspiré le personnage du père Mapple dans Moby-Dick d’Herman Melville.
Tournées dans les Amériques
Pendant huit ans, Blondin parcourut l’Amérique du Nord et les Caraïbes avec les Ravels et la famille Martinetti, se produisant aux États-Unis, au Canada et à Cuba. En octobre 1855, la troupe voyagea au Nicaragua puis en Californie, où elle se produisit pendant cinq mois.
Renommée à Niagara
En 1859, Blondin quitta les troupes pour lancer sa carrière solo, atteignant une renommée immense grâce à ses traversées audacieuses de la rivière Niagara. Ses exploits incluaient :
- Transporter son agent, Harry Colcord, sur son dos à trois reprises
- Traverser sur des échasses
- Se produire devant le prince Édouard, héritier du trône britannique
Ces représentations firent de Blondin une célébrité aux États-Unis et dans l’Empire britannique. À l’inverse, il resta largement méconnu en France, où la presse parisienne le relégua. La mort de sa mère en 1854 fut une perte personnelle durant ces années à l’étranger.
Vers l’Angleterre et vie de famille
Au déclenchement de la guerre de Sécession américaine en mai 1861, Blondin quitta l’Amérique pour l’Angleterre avec Charlotte et leurs trois enfants : Adèle (née en 1854), Edward (1855) et Iris (1859). Son nouvel agent, Henry Coleman, négocia un cachet sans précédent de 100 £ par représentation au Crystal Palace, soit quatre fois plus que les records antérieurs.
Triomphe au Crystal Palace et succès national
En deux ans, Blondin se produisit au Crystal Palace devant environ 1 480 000 spectateurs et parcourut cinquante grandes villes britanniques, attirant 1,5 million de visiteurs supplémentaires. En octobre 1863, il reçut la visite du prince de Galles, du roi de Grèce et du prince Christian de Danemark, venus assister à une partie de son numéro sur corde basse.
Vie au foyer et suite de la carrière
Blondin et Charlotte s’installèrent au 32 Finchley Road, St John’s Wood, qu’ils baptisèrent Niagara Villa. Ils eurent deux enfants de plus : Henry Coleman (1862) et Charlotte (1866). Pendant les trois décennies suivantes, Blondin partagea ses saisons de spectacle entre Londres, le Royaume-Uni et des tournées en Europe et dans le monde.
Une tournée royale sur la péninsule ibérique
En 1863, Blondin fit une tournée en Espagne et au Portugal, se produisant devant la reine Isabelle II et la famille royale espagnole — l’un des points forts de sa carrière européenne.
Changements de représentation
Après que son agent Henry Coleman eut pris sa retraite pour devenir négociant en vins, Messrs Corbyn et Parravicini devinrent les agents exclusifs de Blondin, organisant des tournées en Italie, Autriche, Allemagne et Russie. En septembre 1864, Blondin se produisit à Saint-Pétersbourg, bien que la pluie persistante limite les représentations.
Ruiné financièrement et retour en Russie
Au début de 1865, la faillite de Coleman fit perdre à Blondin sa fortune de 13 600 £. Plus tard cette année-là, Blondin retourna à Saint-Pétersbourg, regagnant quelque revenu grâce à des représentations au Concert Hall of the Waters Mineralés.
Désillusion en France
Les débuts tant attendus de Blondin en France, en juillet 1866 au Plateau de Gravelle, furent décevants : une faible affluence due en partie à un usurpateur portant le nom de Blondin se produisant à Paris. Les perturbations causées par cet imitateur poussèrent Blondin à intenter un procès pour dommages et intérêts en 1867. Malgré sa victoire, une partie de la presse parisienne resta hostile. Après avoir découvert que sa corde avait été sabotée, Blondin annula son engagement et regagna Londres.
Une nouvelle identité nationale
Le 4 juin 1868, Jean-François Gravelet fut naturalisé citoyen britannique, marquant un nouveau chapitre tant personnel que professionnel.
Distinctions en Espagne
En 1870, après des tournées en Belgique, Hollande et Allemagne, Blondin retourna en Espagne où il fut fait chevalier de l’ordre de la reine Isabelle la Catholique par le régent Francisco Serrano. Il se présenta dès lors sous le titre de "Chevalier Blondin, héros de Niagara".
Un voyage périlleux vers l’Inde et l’Australie
En octobre 1873, Blondin entama une tournée de dix-huit mois en Inde et en Australie. Au début du voyage, le vapeur Flintshire fit naufrage au large des côtes nord-est de l’Australie. Tous les passagers furent secourus, mais Blondin perdit sa corde de spectacle.
Une aventure autour du monde
De retour en Angleterre en mars 1875, Blondin et Charlotte entreprirent ensuite une tournée mondiale de deux ans avec leurs trois plus jeunes enfants. Les escales comprenaient l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Californie, le Pérou, le Chili, l’Argentine, l’Uruguay et le Brésil.
Entre Aden et Ceylan à bord du steamer Poonah, Blondin réalisa un exploit remarquable : marcher sur une corde tendue entre le mât de misaine et le mât d’artimon, s’asseyant cinq fois en raison des fortes vagues. Son fils Henry Coleman fut son assistant pour la première fois lors de cette tournée.
Retour en France et grand projet avorté
La troisième apparition de Blondin en France, fin 1877 au Palais de l’Industrie, fut un succès, en présence du général Ulysses S. Grant. Encouragé, il investit dans les Galeries Parisiennes, un complexe de divertissement près du Pont de l’Alma avec une traversée artificielle du Niagara. Le projet s’effondra après l’arrestation de l’entrepreneur pour fraude, laissant Blondin de nouveau ruiné.
Un changement de fortune radical
Contraint de vendre Niagara Villa, Blondin s’installa au 6 Boscobel Gardens, près de la gare de Marylebone. Il subvint à ses besoins en se produisant fréquemment à travers le Royaume-Uni, l’Europe et l’Inde.
Un mariage officialisé
Le 29 octobre 1881, suite au décès de sa première épouse, Blondin épousa officiellement Charlotte Lawrence, régularisant leur union après des années de vie commune.
Désillusion en Amérique
En 1888, Blondin signa avec l’impresario Imre Kiralfy pour des représentations à New York, mais se trouva limité aux salles équipées de filets de sécurité et interdit dans Central Park. Les propositions de nouvelles traversées du Niagara furent rejetées, ce qui valut à Blondin la déclaration amère : "Je n’aime pas l’Amérique. Je n’y reviendrai pas." Il regagna l’Angleterre peu après.
Perte personnelle
Le 15 décembre 1888, Charlotte, l’épouse dévouée et partenaire de Blondin, s’éteignit.
Installation à Little Ealing
En 1889, Blondin acheta Niagara House à Little Ealing, Londres. Entourée de jardins, la maison devint son havre de paix. Il y vécut avec sa fille Adèle, un cocher, une domestique et une meute de terriers noir et feu adorés. Son fils Henry Coleman habitait à proximité. Blondin recevait souvent des journalistes de revues prestigieuses, désireux d’interviewer l’un des premiers artistes emblématiques du spectacle moderne.
Un mariage tardif
Malgré son âge avancé, Blondin resta actif. En 1895, alors qu’il se produisait à Blackpool, il souffrit d’une grave blessure au dos. Soigné par l’infirmière de 29 ans Katherine James, Blondin l’épousa le 29 novembre 1895. Remarquablement, dès le lendemain, il voyagea jusqu’à Glasgow pour honorer un engagement de deux semaines.
Dernières années et déclin
Blondin lutta contre le diabète et la détérioration de sa vue, donnant sa dernière représentation à Leeds en août 1896.
Il mourut le 22 février 1897, à son domicile ("Niagara House") à Little Ealing, à moins d’une semaine de son 73ᵉ anniversaire.
Adieu à un héros
Blondin fut inhumé le 25 février au cimetière de Kensal Green, à Londres. La cérémonie rassembla une foule nombreuse. Un écheveau de corde noué de rubans blancs orna son cercueil. Le révérend M. C. Richardson le décrivit comme "un modèle de courage et de vertus familiales".